mercredi 7 août 2013

Sary Mogol vertigineux


Nous partons en voiture pour Sary Mogol, un village dans la vallée d’Alaï. Celle-ci est située dans l’extrême sud du pays, près du Tadjikistan, au pied du massif du Pamir, qui aligne ses sommets enneigés à plus de 7000 mètres (pic Lénine) sur 60 km. Rapidement en quittant Och nous sommes au milieu des montagnes. Les chevaux par bouquets ornent de plus en plus les pentes, les yourtes et roulottes peintes au toit métallique poussent aussi ça et là, isolées ou regroupées en camps d’où s’échappe la fumée de quelques poêles ou samovars. Au passage d’un col, des enfants vendent le kyzym, fameux et redouté lait fermenté de jument, dans des bouteilles de soda en plastique. Leurs joues sont larges, rouges, brûlées par le soleil d’altitude. Les pulls et bonnets ont fait leur apparition.
 
Nous trouvons Sary moghul après 4 heures de route géniale au milieu des reliefs montagneux changeants. La vallée est très large avec d’un côté le Pamir et son immense bande de sommets blancs et de l’autre des montagnes moins hautes (de 3000 à 5000 mètres), le village est à 3300 mètres.
 
 
 
 Le taxi nous pose à l’entrée du bled à 13 heures mais nous n’y entrons pas, préférant crapahuter directement vers les hauteurs pour pique-niquer. Nous grimpons sur les premières hauteurs qui semblent de simples monticules comparés aux sommets blancs. Maolann galope, nous suivons comme nous pouvons. Dans ce cadre de fous nous passons des heures à jouer, traverser les ruisseaux et ne pas en revenir d’être là. Nous descendons ensuite dans le village rejoindre le CBT (community based turism) l’un des organismes au Khirghizistan qui accueillent les touristes en leur proposant un logement chez l’habitant. Maolann pris de céphalées intenses cuve son altitude ensoleillée avec un sachet d’aspirine et une bonne sieste qui le requinquent en une heure. Nous sommes logés au cœur du village dans une petite maison où des édredons multicolores posés au sol et confortables seront nos matelas pendant 2 nuits. Les couettes ne sont pas du luxe car la fraîcheur des hauteurs s’impose le soir et pendant la nuit. Thé d’accueil avec gâteaux secs, les gens sont adorables. Les lumières du matin et surtout du soir sont sublimes, flamboyantes.
 
 
 
Les sons sont rares et limpides: roucoulement des eaux montagnardes dans les ruisseaux de distribution du village, son d’un marteau qui travaille au loin, braiement d’un âne qui paraît toujours provenir d’une machine métallique rouillée couinante et chants des oiseaux. Les sons sont purs comme la transparence de l’air qui projettent nos regards si loin. Le lendemain, une voiture nous rapproche des cimes enneigées. Nous nous promenons au milieu des montagnes violettes et vertes, autour des lacs turquoise. Les fauves se régaleraient à peindre ce paysage. Les marmottes sifflent à tout va. Nous les apercevons juste le temps de les voir disparaître dans leurs réseaux souterrains. Nous rencontrons quelques yacks et leurs longs manteaux de poils tombant.
 
 
 
 
 
 
L’altitude cloue Jade autour d’une yourte. Un berger la fait grimper sur son âne, elle se balade autour d’un lac et dessine avec Phanie. Nous montons plus haut avec Maolann et Louna attirés par les sommets. Louna se pose et nous continuons un peu avec Mao jusqu’au camp de base à 3600 mètres. En redescendant nous sommes invités tous les cinq à partager le thé, du pain et du fromage blanc (pas si fort mais que les enfants toucheront du bout des lèvres) devant deux yourtes isolées.  Le troupeau de moutons noirs (près de 100 têtes) est dispersé très haut dans les pâturages et ressemble à une nuée de mouches à géométrie variable. Un chevreau fraîchement né depuis 2 heures se redresse difficilement sur ses pattes. Les habitants de la yourte force la mère à l’accepter pour une tétée.
 
 
Nous redescendons ensuite vers Sary Moghul inondé du soleil crépusculaire. C’est fascinant de juste rester dans un coin de rue ou de place et de regarder passer les gens dont le cuir chevelu a quasiment toujours trouvé une casquette ou une simple calotte, à défaut d’un fichu ou d’un chapeau traditionnel et puis les ânes, les chevaux, les rares voitures, les chiens rayés, le vent, le rien le tout. Les enfants portent des vêtements très colorés mélangeant rayures et motifs variés, pulls, sous pulls, chaussettes, bas, manches courtes sur longues, la superposition des habits est la règle. Derrière les maisons en briques séchées est déroulé le papier peint des montagnes aux reflets changeants à mesure que le soleil s’en va, les pics de neige semblant se rapprocher et devenir plus massifs lorsque la lumière les quitte peu à peu. Les montagnes basses (4000 ou 5000 mètres) ne sont plus que de simples collines sombres.
Rencontre au CBT de Julien et Manuel, enseignants en primaire (pardon, professeurs des écoles). Nous faisons un morceau de route ensemble pendant 5 jours. Les bières et les cartes coulent à flot tous les soirs. Nous devenons inséparables jusqu’à leur départ pour Bishkek car les lâcheurs terminent leur vacances ici. Après un petit stand-by à Och nous filons vers Arslanbob plus au nord.