mardi 2 juillet 2013

Kashan, la ville de l'eau de rose


Avant le départ, petit détour par l’ambassade de France pour nous déclarer. Mal nous en a pris, la femme qui nous reçoit nous demande ce que nous faisons là alors que le ministère des affaires étrangères recommande de ne pas venir en Iran précisément durant cette période. Comment ce fait il que nous n’ayions pas annulé notre voyage ? Après cet accueil tout en tact qui contribue à remettre en vibration la petite réserve parentale, nourrie de la seule image qu’on nous donne de l’Iran depuis toujours, subie et contredite par notre courte et intense expérience locale, la préposée de l’ambassade nous dit qu’il serait mieux de repartir avant le 14, date de l’élection présidentielle. Les enfants laissent glisser sur leur jeunesse et confiance en leurs parents ce discours alarmiste et nous rejoignons la gare routière, pour les adultes un pincement interne malvenu mais contenu et non exprimé pour filer vers Kashan plus au sud, proche du grand désert, le Dash-e-kavir. 
Nous y parvenons en début de soirée, un vent chaud nous surprend à la descente du car. Nous découvrons un hôtel magnifique, demeure ancienne de la ville au centre de laquelle se trouve un jardin persan. Des grenadiers, un bassin central avec jets d’eau (et parfois des pastèques immergées au frais), des petites terrasses-banquettes avec coussins sur tapis disposées sous une tonnelle. Il y fait tout de même chaud mais la fraîcheur combinée de l’eau et des arbres est  réellement perceptible. Le bazar, lieu devenu incontournable, est assez tranquille et nous y découvrons un ancien caravansérail absolument génial, tout y est beau, la lumière du jour qui descend directement d’un puits de lumière, large, au sommet du dôme, les marchandises exposées, l’agencement des volumes, les proportions, le bassin central, la forme des arcades des deux étages. Retour le soir dans ce même bazar pour aller prendre un thé dans un autre ancien caravenserail reconverti en tea house. Encore un endroit confortable et super bea avec un bassin au centre et un petit jet d’eau. Nous y rencontrons Amir, étudiant en littérature anglaise et française. Il nous invite chez lui le lendemain, à Aran, tout près de Kashan.
Plafond du caravansérail du bazar
Visite des maisons historiques de Kashan, éparpillées dans la vieille ville. Il fait 800 degrés et les ruelles sont désertes.  Les maisons datent du XVIII ème siècle et sont incroyables. Plusieurs cours, des jardins avec bassins et fontaines, des décorations avec plein de miroirs en mosaiques et des plafonds en stuc plus beaux les uns que les autres. Les enfants jouent en courant de salles en salles.





 Visite aussi d’un ancien hammam recouvert de carreaux bleus et verts, super beau.
Hammam

Hammam
Le lendemain visite d'un village, à 1 heure de Kashan. Nous traversons une zone très désertique avec des cailloux, des roches. L’endroit est aussi truffé de militaires avec des barbelés, des miradors, des tanks et des batteries anti avions au sol fixées vers le ciel comme de antennes de gros insectes. Apparemment ces militaires protègent des sites d’extraction d’uranium.
Abyaneh est dans une oasis au pied des montagnes. Joli village en pisé marron rouge. Ruelles escarpées, canaux qui courent sur leur côté et des plantations en contrebas. Les hommes portent des pantalons noirs légers larges, qu’on dirait faits de crépon brillant. Nous nous baladons pendant 2 heures, il fait très chaud au soleil mais à l’ombre sommes pas mal (Phanie et Louna ont tout de même toujours le triste inconvénient d’avoir des manches longues et un foulard sur la tête).

Abyaneh

Abyaneh
Retour directement à Aran où nous sommes accueillis par la famille d’Amir. Nous croisons sur le chemin un chacal qui bondit de nulle part vers nulle part dans le désert, efflanqué, les oreilles battantes, impressionnant de vélocité et souplesse. Reçus en grande pompes par les parents, Amir, sa sœur de 13 ans, une voisine puis arrivent plus tard les parents de la dernière. Nous mangeons sur le sol couvert de tapis comme il se doit, couleur crème. La nappe en plastique a été posée puis super repas avec éléments classiques riz, tomates cuites au four et aussi de la viande (de l’autruche), bols d’herbes-feuilles de salades en tout genre. La boisson, que l’on voit partout en iran, est un liquide lacté genre yaourt dilué, un peu comme l’ayran turc mais moins salé et moins dense. Jade ne le boit pas, Louna a du mal, pour les autres ça passe. C’est vraiment bon et le repas sympa. Louna disparait rapidement avec les deux filles de sont âge qui lui apprennet un peu de farsi contre français, Jade et Maolann suivent et disparaissent à leur tour dans une chambre. Nous restons sur les grands fauteuils, Phanie côté femmes et moi côté mecs, à boire du thé, manger des fruits. Nous restons finalement jusque tard en début de soirée car on ne s’en va pas comme ça. Je fais une consultation dermatologique pour l'une des filles Le chauffeur de taxi qui finit par venir nous chercher me montre aussi sa peau. Nous passons par chez lui pour que je voie les pommades déjà essayées. Sa femme nous apporte des verres de grenadine, que nous buvons dans la voiture, refusant poliment de franchir le seuil de leur maison pour ne pas repartir pour quelques heures assis sur un tapis. Les explications de traitement sur le capot du taxi avec mon dictionnaire anglais-perse, au milieu d’un quartier du bout du monde sont folkloriques.

Mosquée Aghâ Bozorg

L’épreuve du visa Turkmène


Dans la série chacun dans ses frontières et tout ira mieux, j’ai nommé le Turkménistan. Ce pays, dirigé par un très gentil garçon, n’est pas tout à fait fermé puisqu’il délivre (paraît il, restons méfiants) des visas et en particulier des visas de transit de 5 jours, qui permettent de le traverser sans s’y attarder. Le but est d’avoir l’autorisation de rejoindre l’Ouzbékistan via le Turkménistan. Pour cela, il faut être en possession d’un visa pour l’Ouzbékistan, c’est fait depuis quelques semaines à Paris, des photocopies du passeport, facile, des photocopies du visa ouzbèque, c’est fait, des photos d’identité bad-face, we have, un formulaire à remplir, nous n’avons pas, une feuille blanche pour écrire à la main que nous voulons un visa, de transit avec lieux d’entrée et sortie, nous avons.
Première contrainte, s’assurer des jours et des heures d’ouverture. Facile, c’est le dimanche de 9 heures à 11 heures, le lundi et le jeudi aux mêmes heures.
Deuxième étape, se lever un peu tôt pour arriver à l’ouverture. Nous ne sommes pas mauvais, juste un quart d’heure de retard sur l’heure prévue.
Troisième épreuve, affronter les bouchons de Téhéran. Ici c’est touche-touche à toutes les heures, le métro existe bien mais les stations sont rares (il n’y a que 3 lignes pour 15 millions d’habitants). Nous prenons donc le taxi qui met un temps fou à rejoindre l’ambassade turkmène, les difficultés pour trouver la rue prolongeant l’interminable parcours. Nous arrivons à 9 heures et demie en ce dimanche, premier jour de la semaine. Pas de problème, l’ouverture est à 9 heures 30 et non pas 9 heures et, l’ouverture réelle ne se fera quant à elle qu’à 9 heures 45.
Situation suivante : identifier l’entrée de l’ambassade : fastoche, il s’agit d’une ouverture carrée, de 50 cm de côté, à 1 mètre 40 du sol, barrée par un volet de bois qui la découvre parfois permettant d’avoir accès à un interlocuteur relativement invisible, sinon sombre et impassible. Dehors, une vingtaine d’étudiants iraniens attendent, ils étaient déjà là à notre arrivée, et un homme, un turc, qui manifestement travaille pour l’ambassade (ce n’est pas évident d’emblée) ; il récupère les éléments du dossier à fournir dehors sur le rebord d’une fenêtre. Premier problème, la photocopie du visa ouzbèque doit être en couleur. Je fonce faire des photocopies avec Jade dans une petite boutique difficile à trouver malgré le petit plan écrit par l’un des étudiants, loin de l’ambassade (Jade court comme une championne, je transpire comme un goret). Deuxième problème, se procurer un formulaire de demande. Les étudiants sont collés sur la minuscule ouverture, nous finissons par avoir un formulaire mais pas plus, il faut photocopier les autres.  Je fonce trouver une photocopieuse, plus proche (le noir et blanc convient), l’heure tourne et l’angoisse de voir le volet de bois se refermer définitivement augmente quelque peu la production d’adrénaline. La chemisette est collante, le dos ruisselle, les enfants lisent comme des bienheureux (mais comment font ils pour rester si zen ?). Nous remplissons les formulaires (pas trop compliqué à deux, et même à quatre car les filles nous aident). Nous accédons enfin au fonctionnaire aimable comme deux douanières bulgares. Il demande que les photocopies du passeport soient aussi en couleur (le vérificateur des dossiers avait dit que les noir et blanc suffisaient). Quelques suées plus tard nous donnons le dossier, il est onze heures vingt et la minuscule lucarne est toujours entre ouverte. Le sympathique agent nous redonne le dossier, il faut réécrire la demande de visa sur une feuille A4 (nous avons été un peu négligeants à remplir notre demande sur un plus petit format). Il est 11 heures 30 nous avons enfin fait une demande de visa de transit.
Nous saurons si l’épreuve est réussie à Mashhad en quittant l’Iran au nord est près de la frontière avec le Turkménistan…pas de récépissé, juste l’espoir que cela fonctionne, nous y croyons.