Nous filons en
voiture vers l’aéroport pour tenter d’arracher au moins quelques informations
sur nos sacs et savoir ce qui a été fait (ou non) pour les localiser. Nous
avons trouvé plusieurs numéros de téléphone à Bishkek et à Saint-Pétersbourg.
Nous sommes déterminés à faire bouger les choses et nous assurer qu’au moins le
service bagages perdus de l’aéroport remue quelques orteils à défaut de se
bouger les fesses. En arrivant dans le bureau, nous sommes bien vite soulagés,
nos sacs ont été trouvés et vont arriver de Saint-Pétersbourg le soir même,
acheminés jusqu’à notre logement par taxi. Ce qui nous est dit sera fait, nos
sacs arrivent sains et saufs.
Chypre, grande
île située au sud-ouest de la Turquie. Sècheresse totale, paysage de maquis et
collines assez chauves ou hérissées de pins, étendues crâmées. Conduite à
gauche, stigmates de l’occupation anglaise. Ile coupée en deux, partition au
nord en une chypre turque, au sud une chypre grecque. Etrange situation que
celle de Lefkosia-Nicosie, partagée en deux avec une douane au milieu et une
bande de maisons abandonnées comme triste no man’s land. Quelques bars un peu
décalés et super sympas dans la partie grecque. La partie envahie par le turcs
en 1974 nous ramène quelques semaines en arrière. Clin d’œil direct à notre
séjour en Anatolie. Nostalgie assurée, la boucle est bouclée.
Nous sortons peu
de notre petite maison-piscine qui joue son rôle d’amortisseur à la perfection.
Les enfants sont heureux dans l’eau comme des oiseaux dans l’air. Les quelques
plages que nous goutons sont bondées et Chypre semble être une vaste station
balnéaire avec des villes côtières terrifiantes, décidément ce tourisme là
n’est pas le notre. Nous parlons beaucoup de notre voyage. Tout le monde est jovial à juste évoquer des moments
plus ou moins récents mais déjà transformés en souvenirs. Les enfants sont
malgré tout contents de bientôt retrouver Aulnay. Côté parents nous en
reprendrions bien une tranche de quelques mois…
Demain nous
filons vers Rome pour 3 jours, les derniers du périple. Nous avons été heureux
pendant ces 4 mois et quelques, tellement heureux.
Rome
Logés dans un
appartement à deux orteils du vatican, c’est le pied ! Le dôme de Saint
Pierre apparaît dès le premier soir, émergeant au dessus des collines au milieu
des pins parasols, entouré de nuages roses.
Trois journées
tout juste suffisantes pour se dire que c’est ridiculement court. Nous usons
encore un peu plus nos semelles et parfois le moral des enfants, pourtant
depuis longtemps déjà plus des apprentis arpenteurs. Saint-Pierre est vaste,
franchement pas jolie mais recèle des détails incroyables, regorge de statues
d’ecclésiastiques de tout poil, aux visages terrifiants. Des bigots
superstitieux font la queue pour toucher les pieds d’une statue noire de
Saint-Pierre ou un Pie XII en cire. L’escalier qui monte vers le sommet de la
basilique est un dédale biscornu au sommet duquel les visiteurs survivants se
hissent transpirant et soufflant comme des bœufs. La police religieuse veille
et surveille avec zèle dans la chapelle sixtine bondée où s’asseoir sur les
marches est interdit parce que, où le silence est exigé parce que, où les
épaules doivent être couvertes parce que. Le jugement dernier de Michel-Ange
est impressionnant, exhibant des corps à moitié nus à l’envi, des visages
torturés et je ne peux m’empêcher de penser aux fresques de salles de garde où
l’on se trouve bien au delà du jugement à se complaire dans le mal et la
luxure.
Les places romaines sont nombreuses à nous délecter au sortir de ruelles charmantes où l’obligation de nous arrêter régulièrement dans une gelataria n’a pas été vécue comme une véritable punition mais plutôt comme les prémices d’une addiction merveilleusement dévastatrice. La place Venezia nous ouvre les portes du forum, du Colisée et de tous ces vestiges romains grandioses. Pas de guide pour lire un peu sur cette histoire, frustration assurée mais quelle impression phénoménale.
Avant de rejoindre la gare pour une dernière nuit ferroviaire nous montons au 7ème et dernier étage d’un immeuble dont le pignon donne sur la place de Santa Maria Maggiore. Une amie d’amis d’amis nous y invite. Nous sommes reçus par un couple sur une terrasse immense qui fait le tour complet du bâtiment. Lui a des yeux bleus lumineux, est ancien orfèvre et possède encore un petit atelier avec des outils disposés sur un établi de bois minuscule qui ne doit plus beaucoup servir. Elle, est française et nous reçoit avec des glaces en nous faisant visiter Rome du haut de ses toits. Elle donne aussi quelques restes poissonneux aux mouettes qui la suivent sur le parapet comme les oies de Lorentz. La statue de la madone et son enfant, perchée sur une tour romaine immense au centre de la place adjacente à l’immeuble, dépasse de peu la hauteur du bâtiment et, d’un bout de la terrasse, semble avoir été érigée directement sur son bord.
Nous nous laissons ensuite glisser vers la gare à deux pas. Dernière gare, dernières couchettes, dernier départ…Les enfants sont survoltés, les parents un peu embrumés.
Au réveil,
passage dans une gare, Villeneuve sur Yonne, pas de doute la France nous a
repris, de notre plein gré et cœur gros.
Putain cque
c’était bien…