mardi 27 août 2013

Chypre, Rome jusqu'à la lie puis Panambadaboum.


Nous filons en voiture vers l’aéroport pour tenter d’arracher au moins quelques informations sur nos sacs et savoir ce qui a été fait (ou non) pour les localiser. Nous avons trouvé plusieurs numéros de téléphone à Bishkek et à Saint-Pétersbourg. Nous sommes déterminés à faire bouger les choses et nous assurer qu’au moins le service bagages perdus de l’aéroport remue quelques orteils à défaut de se bouger les fesses. En arrivant dans le bureau, nous sommes bien vite soulagés, nos sacs ont été trouvés et vont arriver de Saint-Pétersbourg le soir même, acheminés jusqu’à notre logement par taxi. Ce qui nous est dit sera fait, nos sacs arrivent sains et saufs.
Chypre, grande île située au sud-ouest de la Turquie. Sècheresse totale, paysage de maquis et collines assez chauves ou hérissées de pins, étendues crâmées. Conduite à gauche, stigmates de l’occupation anglaise. Ile coupée en deux, partition au nord en une chypre turque, au sud une chypre grecque. Etrange situation que celle de Lefkosia-Nicosie, partagée en deux avec une douane au milieu et une bande de maisons abandonnées comme triste no man’s land. Quelques bars un peu décalés et super sympas dans la partie grecque. La partie envahie par le turcs en 1974 nous ramène quelques semaines en arrière. Clin d’œil direct à notre séjour en Anatolie. Nostalgie assurée, la boucle est bouclée.
Nous sortons peu de notre petite maison-piscine qui joue son rôle d’amortisseur à la perfection. Les enfants sont heureux dans l’eau comme des oiseaux dans l’air. Les quelques plages que nous goutons sont bondées et Chypre semble être une vaste station balnéaire avec des villes côtières terrifiantes, décidément ce tourisme là n’est pas le notre. Nous parlons beaucoup de notre voyage. Tout le monde est jovial à juste évoquer des moments plus ou moins récents mais déjà transformés en souvenirs. Les enfants sont malgré tout contents de bientôt retrouver Aulnay. Côté parents nous en reprendrions bien une tranche de quelques mois…
 
Demain nous filons vers Rome pour 3 jours, les derniers du périple. Nous avons été heureux pendant ces 4 mois et quelques, tellement heureux.
Rome
Logés dans un appartement à deux orteils du vatican, c’est le pied ! Le dôme de Saint Pierre apparaît dès le premier soir, émergeant au dessus des collines au milieu des pins parasols, entouré de nuages roses.





Trois journées tout juste suffisantes pour se dire que c’est ridiculement court. Nous usons encore un peu plus nos semelles et parfois le moral des enfants, pourtant depuis longtemps déjà plus des apprentis arpenteurs. Saint-Pierre est vaste, franchement pas jolie mais recèle des détails incroyables, regorge de statues d’ecclésiastiques de tout poil, aux visages terrifiants. Des bigots superstitieux font la queue pour toucher les pieds d’une statue noire de Saint-Pierre ou un Pie XII en cire. L’escalier qui monte vers le sommet de la basilique est un dédale biscornu au sommet duquel les visiteurs survivants se hissent transpirant et soufflant comme des bœufs. La police religieuse veille et surveille avec zèle dans la chapelle sixtine bondée où s’asseoir sur les marches est interdit parce que, où le silence est exigé parce que, où les épaules doivent être couvertes parce que. Le jugement dernier de Michel-Ange est impressionnant, exhibant des corps à moitié nus à l’envi, des visages torturés et je ne peux m’empêcher de penser aux fresques de salles de garde où l’on se trouve bien au delà du jugement à se complaire dans le mal et la luxure.


 

 

 
 Les places romaines sont nombreuses à nous délecter au sortir de ruelles charmantes où l’obligation de nous arrêter régulièrement dans une gelataria n’a pas été vécue comme une véritable punition mais plutôt comme les prémices d’une addiction merveilleusement dévastatrice. La place Venezia nous ouvre les portes du forum, du Colisée et de tous ces vestiges romains grandioses. Pas de guide pour lire un peu sur cette histoire, frustration assurée mais quelle impression phénoménale.
 
 

Avant de rejoindre la gare pour une dernière nuit ferroviaire nous montons au 7ème et dernier étage d’un immeuble dont le pignon donne sur la place de Santa Maria Maggiore. Une amie d’amis d’amis nous y invite. Nous sommes reçus par un couple sur une terrasse immense qui fait le tour complet du bâtiment. Lui a des yeux bleus lumineux, est ancien orfèvre et possède encore un petit atelier avec des outils disposés sur un établi de bois minuscule qui ne doit plus beaucoup servir. Elle, est française et nous reçoit avec des glaces en nous faisant visiter Rome du haut de ses toits. Elle donne aussi quelques restes poissonneux aux mouettes qui la suivent sur le parapet comme les oies de Lorentz. La statue de la madone et son enfant, perchée sur une tour romaine immense au centre de la place adjacente à l’immeuble, dépasse de peu la hauteur du bâtiment et, d’un bout de la terrasse, semble avoir été érigée directement sur son bord.

 







Nous nous laissons ensuite glisser vers la gare à deux pas. Dernière gare, dernières couchettes, dernier départ…Les enfants sont survoltés, les parents un peu embrumés.
Au réveil, passage dans une gare, Villeneuve sur Yonne, pas de doute la France nous a repris, de notre plein gré et cœur gros.
Gare de Lyon, chaud comité d’accueil, nous y sommes.




Putain cque c’était bien…

Le blog s'arrête avec nous, merci aux yeux qui ont vu, nous leur souhaitons ces dilatations de prunelles éblouies et ces larmes scintillantes qui ont merveilleusement déformé les nôtres pendant ce petit bout de vie intense et familial.

jeudi 22 août 2013

Bishkek, ciao, nous t'embrassons











Vacherie de vacherie, réveil matinal précoce. Il faut maintenant quitter Karakol pour la capitale, dernier bout de vie kirghize avant rapatriement aéroporté vers les portes de l’Europe, vers Chypre, choisi pour ses mers, sa tranquillité et son mode de vie presque proche de celui du bleu blanc rouge mais pas vraiment tout à fait. Nous trouvons une Marchroutka pour Bishkek très facilement et partons rapidement, salut Karakol, salut. Le trajet borde le lac par sa rive nord, pas folichonne. Des poissons sont vendus sur le bord de la route, suspendus par les yeux, bien alignés comme ces crétins de soldats sur les champs élysées qui défilent fièrement le 14 juillet. Les poissons, eux, sont parfaitement nus (un défilé de soldats nus aurait d’la gueule !).

A bishkek nous séjournons dans un petit appartement dans le centre. Immeuble  en loques, il a le mérite d’être situé au centre ville. Les deux chambres déclarées n’en sont qu’une avec un petit salon et nous avons toutes les peines du monde à faire ajouter au moins un matelas et des draps. Finalement les nuits seront noires ou à peu près.

Le contrat initial de ne pas acheter de souvenirs pendant ce voyage pour ne pas alourdir les sacs se fissure pendant ces deux jours. La fin de nos pérégrinations amplifie le besoin d’en garder des petits bouts matérialisés. Bishkek est une grosse ville et 1 des 6 millions de kirghizes y habitent. La couleur claire des visages rappelle aisément sa situation septentrionale à 4 heures de route d’Almaty au Khazakstan. Le marché d’Och nous permet de trouver une dernière fois ces femmes et hommes de la campagne que nous avons tant aimée et qui s’est inscrite en nous.
 
 
 
Les statues monumentales, les bâtiments massifs en marbre et les blocs d’immeubles soviétiques sont éparpillés dans le quadrillage de la ville plutôt agréable, aérée où les parcs sont nombreux et les avenues larges. On n’y resterait cependant pas éternellement. Nous y ressassons nos sentiments mêlés dans ce qui est le bout de notre itinéraire et c’est étrange de lire que Bishkek et Rome sont sur la même latitude (42ème parallèle et quelques), Rome d’où nous prendrons un dernier train de nuit le 25 août pour rejoindre Panam.



 La liste des noms particuliers qui ont émaillé ou enjolivé notre voyage semble se figer dans nos têtes : enfouis parfois depuis bien longtemps sous la terre Alexandre le Grand, Tamerlan, Gengis Khan, Ulugh Beg, Khomeini, Ataturk, Hafez, Ferdossi ou encore vivants et souvent des loups pour l’homme Erdogan, Khameini, Karimov…Ces personnages sont associés de près ou de près à des milliers de morts, au pouvoir à tout prix, à la maltraitance, aux frontières autoritaires, à la religion forte, et aussi à une culture extraordinaire et encore si palpable et à l’immuabilité du fonctionnement de l’homme à travers l’histoire et les continents. Religion et uniforme deux mots-clés hypertrophiés, parfois associés au service du pire, avec comme principaux outils la peur ou la terreur du jugement, la prosternation et l'opinion piétinée au profit des croyances.
Lorsque nous quittons Bishkek, il est 4 heures du matin, le voyage n’est pas tout à fait fini mais l’avion en quelques heures dévore le décalage horaire brodé lentement heure par heure ou demi-heure par demi-heure. L’avion avale goulûment les kilomètres déroulés sur le macadam, le bitume, la poussière, la pierre, l’herbe ou l’humus, sac sur le dos. L’éloignement géographique s’inscrit en gras, le globe terrestre tourne à toute berzingue mais dans nos cœurs et sous la voûte de nos crânes tant de personnes, de lieux et d'instants se sont coagulés, l’avion nous ramène de force mais n’efface rien.
Escale de 10 heures à Saint-Pétersbourg, sans sortie possible de l’aéroport. A Larnaca, Chypre, les applaudissements des russes soulagés que l’avion atterrisse sans faire parler de lui dans les médias nous tirent d’une torpeur dans laquelle le lever matinal, le recalage horaire et l’amertume nous avait plongés, Phanie et moi. Les enfants, eux, sont excités pour les mêmes raisons. Phanie a froid et la fièvre l’assaille.
Le tapis roulant circulaire de l'aéroport à Chypre livre sacs et valises. Les nôtres n’y sont pas. Douche froide. Le présentiment de Phanie s’avère juste, satanée escale russe. Vérification dans les derniers bagages, de gabarit particulier. Rien. Douche froide. L’air chaud et moite nous recouvre lourdement à la sortie de l’aéroport. Nous sommes nus. Un taxi nous pose dans un village à l’intérieur des terres, Tochni. La maison louée par internet depuis Och est super mignonne et la piscine trône juste devant l’entrée. Douche tiède. Les enfants exultent. Ciel uniformément bleu, cyprès, cactus, Chypre est le sas aquatique que nous espérions. Appel de l’aéroport après l’arrivée de l’avion en provenance de Saint-pétersbourg, 24 heures après le nôtre. Pas de sacs à dos. On nous explique que ce n’est pas habituel, qu’aucun message russe ne s’affiche et qu’il faudra voir demain. La femme au bout du fil nous raccroche deux fois au nez, fin de non recevoir. Douche glacée. Souvenirs accumulés à droite et à gauche, doudous, raccords d’appareil photo et caméra…Plus rien et surtout ces compagnons de voyage, carapaces itinérantes, nous y étions attachés. Ils nous lâchent sans crier gare. Pourtant ce ne sont pas nos habits, délavés, distendus qui vont nous manquer. Dommage, nous aurions voulu ouvrir et vider ces sacs une dernière fois en rentrant, dommage ça gâche un peu, juste un peu, un rien, juste un rien.