samedi 27 juillet 2013

Och, un nouvel ailleurs


Une voiture nous mène vers la frontière avec le Kirghiztan. Dernier passage terrestre de ces démarcations bordées de barbelés et d’uniformes. Il y a du monde ; mais, comme lors du passage du Turkménistan vers l’Ouzbekistan, on nous fait passer devant toute la file, nous sommes des grugeurs officiels, encouragés par les forces de l’ordre. Du reste, les ouzbeks qui attendent ne semblent pas s’en émouvoir outre mesure et en rigolent. Les contrôles sont légers, une frontière light comme nous en avions perdu l’habitude.
Le taxi nous pose ensuite à Och à quelques encablures de la guesthouse qu’il ne connait pas. Manifestement il n’a pas vraiment l’intention de chercher plus loin. Nous finissons par trouver l’hotel derrière le stade décrépi mais dont la pelouse est en parfait état (elle est utilisée pour les matchs officiels de football). Nous retrouvons nos amis suisses Rico et Madeleine rencontrés à Samarcande et avec les filles desquels Jade aime jouer même si elles sont plus jeunes. L’hotel est un peu un hospice pour voyageurs en rade. Une famille française avec deux garcons de 15 et 13 ans est plantée ici depuis un mois après avoir cassé la boite de vitesse de leur monstrueux 15 tonnes embourbé dans les steppes tadjikes. Un jeune couple anglais attend depuis pas mal de jours que la fourche de leur moto soit réparée. Les cycliste exténués par leur virée tadjike récupèrent. Balade dans la ville qui nous plait sur le champ. Le glauque ouzbek n’est pas perçu ici. Les rues sont plus à échelle humaine et les humains sont plus vivants et habitants de l’espace public. Les bâtiments vieillots ne sont pas réellement d’une beauté manifeste mais la vie urbaine l’emporte largement. 


 
Les chapeaux traditionnels des hommes se sont allongés vers le ciel et ornent le chef de nombreux kirghizes agés mais aussi plus jeunes. Ils ont des têtes incroyables et des mentons prolongés souvent par une barbichette. Les femmes sont en robes assez colorées et ont pour bon nombre d'entre elles un fichu qui encercle leurs visages. Les visages globalement sont asiatiques, bruns. L'or dentaire a traversé la frontière et décore ici aussi les sourires. Le bazar qui attire ses lots de fruits et légumes, de vêtements et accessoires en tout genre est convivial et les couvre-chef variés qui s'y croisent nous dilatent les prunelles. Le long de la rivière urbaine, propre, les hommes bronzent en maillot de bain. Plusieurs piscines énormes, remplies de l’eau de la rivière, finissent par nous accueillir sans que nous ayions offert de résistance. Les bassins contiennent une eau glacée, bleu nucléaire sur fond blanc. Des distributeurs d’argent refont leur apparition en même temps que le marché noir a lui disparu. 
 

 
Les rues de Och sont bitumées pour la plupart mais pas mal sont encore couvertes de cailloux et de poussière. Dans les rues du centre, le marché déborde de toutes parts et les fruits et légumes sont vendus sur le trottoir. Les gens s’affairent, se croisent dans tous les sens, les chauffeurs des taxis collectifs crient le nom de leur destination, les boutiques de téléphone sont nombreuses. Le long d’une petite grille séparant à un endroit le trottoir de la route une femme âgée prédit l’avenir à une moins vieille en manipulant des cailloux et une lanière sur un carton renversé sur le sol. Dans le parc sur le bord de la rivière se tiennent les stands nombreux d’une fête foraine. On entend les chants faux des chanteurs de karaoke. Des hommes jouent aux échecs autour d’une longue table sur la laquelle une dizaine d’échiquiers sont alignés. Les visages des joueurs et de ceux qui les entourent de près sont incroyables, les chapeaux de tout poil. Les bancs du parc sont comme des décors de théâtre où les gens posent en discutant. Mes favoris sont les petits vieux qui semblent immortels dans leur habit traditionnel, le visage prolongé par ces toques de feutres folkloriques. 





jeudi 25 juillet 2013

Tashkent, Ferghana, Ouzbékistan suite et fin, merdre ça fonce...


Tashkent, capitale du pays. Nous sortons du train pour nous engouffrer dans le métro. Les policiers, qui prolifèrent comme du chiendent, sont des taches, partout dans le décor, avec leurs uniformes verts moches comme tout. Contrôle des sacs à l’entrée de la station, un policier sur le court quai de chaque station. Et puis ailleurs dans la ville on entend leurs sifflets qu’ils n’arrivent pas à avaler malgré leur persévérance inouïe à cracher dedans. Notre survol urbain ne nous laisse pas le temps de trouver des points d’accroche forts pour Tashkent. Sauf le bazar Chorzu où nous laissons s’épanouir plusieurs de nos sens. Soirée dans la nuit des grandes avenues du centre.




Le Plov, plat national.


Nous repartons une nuit après notre arrivée vers la vallée de Ferghana, dernière région avant le Kirghiztan. Après les classiques négociations du prix, au milieu d’un traditionnel troupeau d’yeux et de téléphones portables sur lesquels les sommes discutées sont affichées, nous quittons Tashkent sans l’avoir vraiment rencontrée. Longue route dans la montagne, parsemée de taches vertes policières et de fumées épaisses de camions. La neige des sommets fait son apparition voilée par les vapeurs des cheminées d’usines. Le chauffeur de taxi n’a l’estomac rempli que de son ramadan. Sa vitesse est constante, 110 km/heure, lente sur le plat, rapide lorsque nous sommes dans les tournants de la route en montagne, extrêmement rapide lorsque nous traversons les villages en nous demandant qui des vélos ou des enfants goûteront au caoutchouc de nos pneus. Les cultures de coton ont poussé pendant nos 3 semaines ouzbèkes et sont en fleurs dans certains champs. Quelques rizières isolées et inattendues. L’impression est qu’ici la vie est massive, taillée dans le roc, d’un seul tenant. Tout semble brut, les hommes, les femmes, les enfants, les infrastructures, les animaux sur le bord des routes. L’Ouzbékistan semble le terrain de jeu idéal pour le destin, avec, c’est vrai, le substantiel coup de pouce de l’omniprésence policière et du poids de l’héritage soviétique. Il se dégage un manque affiché d’affect et aussi une certaine tristesse globale. Dans les villes, le glauque des larges rues, vides, et ternes, les immeubles défraîchis souvent repoussants, le soir venu l’obscurité flagrante qu’aucun éclairage ne vient démentir ajoutent en plus un vernis craquelé et jauni. Noukous n’était pas une ville spéciale comme nous l’avions cru mais simplement une ville ouzbèke ordinaire. L’arrivée à Fergana nous plonge un peu plus dans cette atmosphère irréelle. La pluie assombrit un peu plus le tableau. Des travaux partout avec des grues style moyen âge, rouillées, des trottoirs défoncés…Nous logeons dans un appartement soviétique au 4è étage d’un immeuble dans une résidence en lambeaux, des poules picorent entre les voitures.

Porte d'entrée de notre "hotel".
Nous allons sur un marché plein de monde, ventes de pièces détachées mécaniques, de tissus essentiellement. Les couleurs des robes et foulards des femmes sont pétantes et les chapeaux traditionnels des hommes foisonnent. Les gens son affables et rigolent de nous voir, seuls touristes perdus dans ce bazar géant. Trois étudiants nous invitent chez eux à boire le thé et manger des fruits. Ils sont mignons et avides de communiquer dans leur anglais boiteux. Ils nous posent à une station de bus pour rejoindre Richtan haut lieu de poterie. Nous finissons par trouver un atelier sans grand éclat. Maolann et Louna peuvent tout de même s’essayer au tour et nous repartons avec 3 petites assiettes achetées à prix d’or.








Le lendemain nous visitons une fabrique de soie. Vieille usine (depuis 1822) composée de plusieurs petits pavillons en bois dans lesquels les différentes étapes du processus de fabrication sont réparties, du premier tissage de fil à soie à partir des cocons bouillis dans de grandes cuves jusqu’à la fabrication de tissus et de tapis. Super intéressant pour les petits et pour les grands. Tout est fait à la main y compris la confection des tapis (faits point par point au rythme de progression de 1 cm par jour !) et le tissage. Ce dernier est fait dans une grande salle, uniquement par des femmes qui, en même temps qu’elles approchent ou éloignent les deux parties de tissus à assembler au moyen de pédales (au nombre de 2 à 8) actionnées avec les pieds, font passer un fuseau, contenant une bobine de soie ou de coton, de droite à gauche en tirant sur une poignée, le tout avec une cadence diabolique et dans un vacarme infernal (le fuseau tapant l’extrémité de la baguette en bois le contenant à chaque passage). Le bruit est d’autant plus insupportable qu’elles sont une dizaine à faire leurs gestes répétitifs dans la même pièce. Les tissus en soie faits main sont tellement plus beaux…au prix d’un travail à la chaîne et d’une exploitation humaine manifeste.






Nous repartons prendre nos affaires à l’hôtel pour filer directement pour Andijan. Dernière soirée ouzbèke dans cette entité urbaine devenue classique à nos yeux puis départ en voiture pour la frontière kirghize, la dernière des frontières terrestres de notre périple car la fin du voyage a finalement, et après maintes tergiversations bienheureuses devant la carte du monde, été arrêtée. Dur dur de devoir envisager le bout de ces pérégrinations merveilleuses.




mercredi 17 juillet 2013

Samarcande, ville bleue et or


Arrrivés par le train, nous nous posons 3 puis finalement 4 jours, dans un petit havre de paix, une guest house emplie d’arbres fruitiers, de fleurs et de parfums divers...
 
 
 

Samarcande ne ressemble en rien à Khiva ou Boukhara : Il n’y a pas de vieille ville reliftée… La ville actuelle s’étend un peu partout avec ses ladas de toutes les couleurs (j'adore ces voitures et je rêve de rentrer à Paris en Lada bleue verte) ses joyeuses artères toujours bien carrées (on n’oublie jamais qu’on est dans un ex pays soviétique), ses bâtiments plus que quelconques, mais ça respire la vie normale, moins touristique…. Et puis, il y a  ces dômes bleus  qui pointent un peu partout…
On commence par se perdre (un truc juste normal pour nous) et on finit par arriver à Bibi Khanoum, l’une des plus grandes mosquées du monde musulman (paraît il), construite peu de temps avant la mort de Timur Lang (qui n’est autre que l’horrible Tamerlan), tiran cruel mais érudit du XIV que tout le monde semble vénérer ici et qui fit de Samarcande une capitale riche et magnifique.





On hallucine devant ces bleus, mais Maolann, lui, commence à voir vert  à cause de la fièvre qui monte…
Visite du Registan, un ensemble de 3 medersas couvertes de mosaïques bleues et de « Majoliques »…
 
 
 

On croit rêver malgré les intestins des uns et des autres qui nous rappellent la dure réalité des « mantys »(gros raviolis bien gras à la viande) qu’on n’aurait sans doute pas dû manger à Boukhara…
Puis, on plonge dans  Chah i Zinde, une avenue de mausolées du XIII et XIV, avec encore des mosaïques de folie, un peu à l’écart de la ville… Les troupes s’amenuisent : Jade et Mao, somnolent sur le banc en nous attendant, les estomacs à l’envers…





L’après-midi, en mauvais parents, nous abandonnons finalement nos enfants malades et vomiteux à l’hôtel pour aller nous perdre dans le quartier juif qui n’existe plus. 
Le lendemain, les troupes, terrassées, restent agonisantes au dortoir, avec leur chef qui n’est guère plus vaillant  … Il joue  malgré tout le bon doc, et j’avoue que c’est bien rassurant…
Je m’en vais donc seule, observer l’observatoire d’Ulug Beg, petit fils de Tamerlan, savant, philosophe, scientifique, astrologue, et… chef de guerre (ils sont fous ces ouzbeks). Au retour, la tombe du prophète Daniel ne m’émeut guère, toute refaite de partout, en briques moches, trop bête. On peut tout de même dire qu’ils ont parfois la main un peu lourde sur les restaurations et c’est bien dommage…
Visite d ‘Afrosiab, ruines de l’ ancienne Samarcande , sans Louna, cette fois, qui a l’impression d’avoir du  plomb dans la tête et qui malgré les 35 °c, a mis son pull sous sa couverture…
Une dernière visite au petit mausolée bleu et or à côté de chez nous, une petite balade du soir tous les 5 au complet  devant la fontaine qui change de couleur au rythme de la musique et de l’ambiance festive  des familles ouzbèkes… Matthieu papote avec un ouzbek  qui  parle un peu français, et qui fini par offrir des barbes à papa aux enfants trop contents (les estomacs sont à peu près rétablis, ça tombe bien).
Il est temps de repartir, la troupe est à nouveau au complet et les estomacs à l’endroit, les sacs sont faits, nous partons vers Tashkent ce matin…
 J’aime ces moments de nouveau départ, notre maison repliée sur nos dos…
Dans une synagogue

Boukhara chaude et aqueuse


Traversée en taxi d’une longue zone dépeuplée sur une nouvelle route désertique. Nous longeons l’Amou-Darya qui sépare l’Ouzbékistan du Turkménistan plus au sud. Arrêt pour pique niquer en surplomb du fleuve. Interdiction de prendre des photos car les militaires qui patrouillent nous le signifient clairement, frontière proche oblige (on s’habituerait presque à cette présence envahissante des uniformes, police ou militaires). Pause aussi, imposée au chauffeur qui s’endormait, dans une petite échoppe en bois cramée par le soleil qui tape à fond. Encore un endroit étrange au milieu de rien.
A Boukhara, comme à Khiva, c’est la vieille ville qu’on visite et qui sera le lieu de notre implantation. Nous nous sentions rattrapés par le tourisme à Khiva, mais ce n’en était que le frémissement. Ici, les enfants dans la rue nous font des blagues en français. Beaucoup de vendeurs de souvenirs dans les rues de la vieille ville et quasi systématiquement dans les medersas que l’on visite. Pour voir un artisan qui travaille dans son atelier il faut désormais payer car le mot musée a été ajouté à l’entrée. La ville est jolie et quasiment entièrement piétonne. Elle est clean, presque trop bien rénovée. S’y trouvent des dizaines de medersas qui ont fait sa splendeur il y a quelques siècles. Malheureusement beaucoup sont vides et leur portail aguicheur est souvent ce qu’il y a de plus beau à voir. 
 

 
L’une d’entre elle est exceptionnelle avec son portail de mosaïques bleues dans la journée tournant au rose lorsque le soleil décline (madrasa Mir-i-Arab). Deux coupoles vertes brillantes sont disposées de part et d’autre du portail. Elles sont comme deux mers turquoises peintes par un impressionniste, par petites touches, laissant deviner le fond de l’eau parsemé de quelques galets ou algues rares. En face la mosquée Kalon dresse son formidable iwan. La vue sur la medersa, à l’ombre de l’arbre qui a poussé dans la cour intérieure de la mosquée et au travers des grandes portes en bois qui y donnent accès est un vrai bijou. A l’arrière de l’édifice religieux a été érigée une autre coupole aux reflets maritimes. L’immense minaret (Kalon) qui a poussé sur la place vient compléter le tableau, (complexe Po-i-Kalon) cet endroit est magique. 






Nous restons quelques jours à Boukhara pour tacher de soigner le petit coup de mou des enfants. Louna se fait une journée turista en solo, Jade voudrait revoir sa maison à Aulnay et l’entrain de Maolann pour les visites est quelque peu émoussé d’autant plus qu’il est rarement autorisé à escalader les édifices de la vieille ville (salauds de parents!).  Il fait en plus vraiment très chaud. Heureusement, Phanie utilise son bâton de sorcière pour trouver un point d’eau, une belle piscine dans un hôtel qui nous accueillera deux après midis. 

Un petit tour dans le marché de la ville nous confirme que les dents en or, par rangées entières, et l’aneth sont deux valeurs sûres en Ouzbékistan. 

Le soir, sur la place Liab-i-Haouz la fraicheur externe d’un bassin et celle interne d’un ice cream enrobent et recouvrent en même temps. Les habitants de la ville sortent en famille, il fait bon ici.
Le train, notre ami de toujours, nous accueille demain pour rejoindre Samarcande la mythique, à trois heures de là.