jeudi 22 août 2013

Bishkek, ciao, nous t'embrassons











Vacherie de vacherie, réveil matinal précoce. Il faut maintenant quitter Karakol pour la capitale, dernier bout de vie kirghize avant rapatriement aéroporté vers les portes de l’Europe, vers Chypre, choisi pour ses mers, sa tranquillité et son mode de vie presque proche de celui du bleu blanc rouge mais pas vraiment tout à fait. Nous trouvons une Marchroutka pour Bishkek très facilement et partons rapidement, salut Karakol, salut. Le trajet borde le lac par sa rive nord, pas folichonne. Des poissons sont vendus sur le bord de la route, suspendus par les yeux, bien alignés comme ces crétins de soldats sur les champs élysées qui défilent fièrement le 14 juillet. Les poissons, eux, sont parfaitement nus (un défilé de soldats nus aurait d’la gueule !).

A bishkek nous séjournons dans un petit appartement dans le centre. Immeuble  en loques, il a le mérite d’être situé au centre ville. Les deux chambres déclarées n’en sont qu’une avec un petit salon et nous avons toutes les peines du monde à faire ajouter au moins un matelas et des draps. Finalement les nuits seront noires ou à peu près.

Le contrat initial de ne pas acheter de souvenirs pendant ce voyage pour ne pas alourdir les sacs se fissure pendant ces deux jours. La fin de nos pérégrinations amplifie le besoin d’en garder des petits bouts matérialisés. Bishkek est une grosse ville et 1 des 6 millions de kirghizes y habitent. La couleur claire des visages rappelle aisément sa situation septentrionale à 4 heures de route d’Almaty au Khazakstan. Le marché d’Och nous permet de trouver une dernière fois ces femmes et hommes de la campagne que nous avons tant aimée et qui s’est inscrite en nous.
 
 
 
Les statues monumentales, les bâtiments massifs en marbre et les blocs d’immeubles soviétiques sont éparpillés dans le quadrillage de la ville plutôt agréable, aérée où les parcs sont nombreux et les avenues larges. On n’y resterait cependant pas éternellement. Nous y ressassons nos sentiments mêlés dans ce qui est le bout de notre itinéraire et c’est étrange de lire que Bishkek et Rome sont sur la même latitude (42ème parallèle et quelques), Rome d’où nous prendrons un dernier train de nuit le 25 août pour rejoindre Panam.



 La liste des noms particuliers qui ont émaillé ou enjolivé notre voyage semble se figer dans nos têtes : enfouis parfois depuis bien longtemps sous la terre Alexandre le Grand, Tamerlan, Gengis Khan, Ulugh Beg, Khomeini, Ataturk, Hafez, Ferdossi ou encore vivants et souvent des loups pour l’homme Erdogan, Khameini, Karimov…Ces personnages sont associés de près ou de près à des milliers de morts, au pouvoir à tout prix, à la maltraitance, aux frontières autoritaires, à la religion forte, et aussi à une culture extraordinaire et encore si palpable et à l’immuabilité du fonctionnement de l’homme à travers l’histoire et les continents. Religion et uniforme deux mots-clés hypertrophiés, parfois associés au service du pire, avec comme principaux outils la peur ou la terreur du jugement, la prosternation et l'opinion piétinée au profit des croyances.
Lorsque nous quittons Bishkek, il est 4 heures du matin, le voyage n’est pas tout à fait fini mais l’avion en quelques heures dévore le décalage horaire brodé lentement heure par heure ou demi-heure par demi-heure. L’avion avale goulûment les kilomètres déroulés sur le macadam, le bitume, la poussière, la pierre, l’herbe ou l’humus, sac sur le dos. L’éloignement géographique s’inscrit en gras, le globe terrestre tourne à toute berzingue mais dans nos cœurs et sous la voûte de nos crânes tant de personnes, de lieux et d'instants se sont coagulés, l’avion nous ramène de force mais n’efface rien.
Escale de 10 heures à Saint-Pétersbourg, sans sortie possible de l’aéroport. A Larnaca, Chypre, les applaudissements des russes soulagés que l’avion atterrisse sans faire parler de lui dans les médias nous tirent d’une torpeur dans laquelle le lever matinal, le recalage horaire et l’amertume nous avait plongés, Phanie et moi. Les enfants, eux, sont excités pour les mêmes raisons. Phanie a froid et la fièvre l’assaille.
Le tapis roulant circulaire de l'aéroport à Chypre livre sacs et valises. Les nôtres n’y sont pas. Douche froide. Le présentiment de Phanie s’avère juste, satanée escale russe. Vérification dans les derniers bagages, de gabarit particulier. Rien. Douche froide. L’air chaud et moite nous recouvre lourdement à la sortie de l’aéroport. Nous sommes nus. Un taxi nous pose dans un village à l’intérieur des terres, Tochni. La maison louée par internet depuis Och est super mignonne et la piscine trône juste devant l’entrée. Douche tiède. Les enfants exultent. Ciel uniformément bleu, cyprès, cactus, Chypre est le sas aquatique que nous espérions. Appel de l’aéroport après l’arrivée de l’avion en provenance de Saint-pétersbourg, 24 heures après le nôtre. Pas de sacs à dos. On nous explique que ce n’est pas habituel, qu’aucun message russe ne s’affiche et qu’il faudra voir demain. La femme au bout du fil nous raccroche deux fois au nez, fin de non recevoir. Douche glacée. Souvenirs accumulés à droite et à gauche, doudous, raccords d’appareil photo et caméra…Plus rien et surtout ces compagnons de voyage, carapaces itinérantes, nous y étions attachés. Ils nous lâchent sans crier gare. Pourtant ce ne sont pas nos habits, délavés, distendus qui vont nous manquer. Dommage, nous aurions voulu ouvrir et vider ces sacs une dernière fois en rentrant, dommage ça gâche un peu, juste un peu, un rien, juste un rien. 





















2 commentaires:

  1. Moi je pense que les sacs ont tout bonnement voulu continuer le voyage en solo. Ils reviendront au bercail quand ils auront envie de se poser.

    Bon retour et bon rétablissement !

    L.B

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  2. et pourquoi le blog ne s'affiche que ce soir alors que tous les jours, 2 fois par jour au moins j'ouvre.... va savoir!
    mais bon les sacs sont revenus, Phanie a je l'espère quitté sa fièvre et cette lois vous vivez des heures superbes je n'en doute pas à Rome .Ici c'est la joie en sachant que lundi matin vous êtes là.... mais je suppose fort que vos sentiments doivent être très très partagés et que notre joie rencontrera votre nostalgie.
    Je vous aime odile

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