On
raconte les étapes, les villes-étapes pourtant les tronçons ferrés les reliant
sont le corps de ce début de voyage. Un train parti de gare de l’est, gare pour
le grand far-est, des couchettes et déjà on est ailleurs. Excitation de faire
son lit chacun, dispute pour savoir qui dormira en haut et puis les yeux qui se
ferment à demi, bercés par le rythme qui pèse sur les paupières pour finir de
les fermer tout à fait à une heure précoce. L’arrivée à la pointe du jour, les
cheveux en vrac et la mine défaite, une déambulation au radar dans la gare de
Münich à chercher des consignes, à réserver le train du soir pour Vienne, à
lire de l’allemand, l’entendre et se laisser bercer à contre-temps au milieu
d’un flot de voyageurs qui filent.
Le
trajet Budapest-Bucarest dure, s’étire au rythme du cliquetis régulier parfois,
cacophonique souvent, de la bête de métal qui hurle continuellement en
freinages crissants quelle que soit la vitesse, disons lentesse plutôt. Torpeur
métallique bienvenue pour des yeux curieux de tout. Passage de frontière
nocturne, accueil toujours aussi romantique de ces uniformes pour un
contrôle-passeports (cette chaleur pour vérifier que nous sommes bien nous me
touche). Nous sommes en Roumanie, c’est écrit sur le panneau lumineux du quai
où le train stationne 3/4 d’heures. Les oiseaux ont envahi cette gare perdue au
milieu de nulle part et chantent en tirs croisés. Réveil très matinal la
campagne attirant mon regard, le reste de la tribu est engoncé dans la couette
molletonnée fournie par la compagnie roumaine de transport ferroviaire. Les
villages se succèdent, on les touche presque du doigt, carrioles tirées par des
chevaux, tracteurs vieillots, hommes et femmes, fichus sur la tête, donnent le
relief à ces terres cultivées
immenses. Plaines étagées dans la brume matinale, une cigogne sur un toit puis
une autre dans son nid. Le train est lent On traverse la Transylvanie qui nous
invite à une visite de l’intérieur une autre fois, choix de ne l’avoir pas
prévu, embryon de frustration. Les Carpates enneigées, les tulipes, les pies
roumaines (piaillent elles le roumain ou bien ?), les files de voitures et
carrioles aux passages à niveau puis vient Bucarest, il est midi la place de la
gare n’est pas jolie les gens non plus (la beauté serait donc bien un luxe pour
fortunés).
Enfin,
le Bucarest Istanbul, un tortillard de 6 wagons annoncé pour Sofia. On perdra 2
wagons en route qui iront bien vers la capitale bulgare pour finir la route
comme un petit train de campagne. Trains grande lenteur, omnibus avec
omniarrêts mégalongs, on connaît l’heure d’arrivée alors c’est tout ce qui
compte (le train arrivera d’ailleurs à l’heure prévue). A chaque arrê en gare,
les hommes au marteau au long manche viennent taper sous le ventre des voitures
pour vérifier que ça sonne bien. Rituel renouvelé à chaque arrêt. Notre wagon
est vide, nous avons négocié les couchettes avec son responsable turc adorable,
chacun la sienne, les 2 plus jeunes enfants ne payent pas sur proposition du
chef de voiture. Il faudra pour le coup négocier un peu pour obtenir une 4ème
paire de draps et couverture (pour le 5ème tant pis). Nous
passons la frontière bulgare en retrouvant le Danube qu’on enjambe sur un vieux
pont branlant qui démultiplie la musique contemporaine de l’engin d’acier. Dans
chaque gare traversée, souvent désertique, se tient le chef de gare en
uniforme, son bâton feu vert-feu rouge à la main, il regarde passer le train au
garde à vous s’assurant qu’aucun wagon ne reste en rade. Cigognes bulgares,
champs bulgares, tulipes bulgares, immeubles, maisons et usines en ruine autour
des gares, églises petites égrainées pour nous rappeler comme en Roumanie (un
peu moins visible peut être que là-bas) et comme dans de multiples endroits,
l’implantation et le poids ou l’obésité de la religion. Le wagon est vide,
grande salle de jeu pour les enfants dans les compartiments couchettes, classes
improvisées, avec compartiments CP, CM2 et 4ème. Les chips au goût
poulet plastique sont grignotées tranquillement, très tranquillement tellement
leur saveur incomparable prend le dessus sur la faim (elles sont pourtant le
déjeuner, le dner et le petit déjeuner…). La nuit nous invite à gagner nos
couchettes-cabannes, le contrôle des passeports à 2 heures nous prie, tous, de
sortir du train à la frontière avec la Turquie. Deux douanières bulgares
massives comme notre locomotive nous réveillent un quart d’heure après pour
contrôler les passeports en allumant la lumière blanche du compartiment,
prolongée par leurs lampes torches aveuglantes pour vérifier que le visage de
nos anges endormis correspondent à ceux des photos oreilles dégagées, sourire
interdit des passeports. Fin de frontière 20 minutes après par les douaniers
turcs qui préfèrent ouvrir quelques sacs pour mieux blanchir encore notre nuit
en toits d’usines. La fin du voyage se termine au petit matin dans les
faubourgs d’Istanbul la Majestueuse en car dans les bouchons de cette ville
envoûtante, carrefour de l’histoire et de la géographie.
Le souffle de l'aventure qui commence!
RépondreSupprimerC'est très joliment écrit et on a presque l'impression d'être avec vous.
En tout cas, on aimerait bien.
Qui a fait ces magnifiques dessins?
Bon voyage!
Srecan put!(en bulgare, je ne sais pas, mais le voilà en serbe, ça ne doit pas être bien différent)
Drum bun!
Iyi yolculuklar!