La
religion est un fil rouge de notre voyage depuis la Roumanie. Nous visitons
beaucoup de monuments religieux et la ferveur est source de pas mal de merveilles architecturales. Nous
avons vu des églises et surtout des mosquées magnifiques, extraordinaires même.
A côté de toutes ces merveilles on voit aussi à quel point la religion peut
enfermer les hommes, les rendre dépendants en les réduisant à de simples
exécutants. Les superstitions orthodoxes ont laissé place à l’islamisation
rampante turque puis au diktat religieux iranien. La religion est le pivot de
la politique imposée ici. Il se veut aussi la substance de l’Iran. Mais bon
sang comment une croyance pourrait elle être considérée de la sorte et imposée
comme telle ? Cette religion plaquée sur chaque être, au contraire, le
vide de sa substance, son libre arbitre, son for(t) intérieur. Khomeini a
récupéré la révolution de 1979. Le peuple en avait assez du despotisme du Shah
et Khomeini a profité de la vague de protestation pour imposer l’Islam comme
une loi. Depuis, la puissance sans partage repose entre les mains de son successeur
Khameini, qui dispose de sa propre garde rapproche, les
Sepah-e Pasdaran.. Une vraie dictature, avec les photos des 2 barbus
partout, dans toutes les rues, dans tous les hôtels, dans tant de commerces.
Khomeini et Khameini, guides...tateurs |
Un
habitant de Shiraz en nous montrant une photographie immense de Khameini au
dessus d’un magasin nous expliquait que le commerçant est payé pour afficher
cette photographie. Le pouvoir est concentré là et relayé par le conseil des
gardiens de la constitution, 6 barbus et 6 juristes religieux (autrement dit
les 12 salopards) qui peut démonter les lois comme bon lui semble et en faire
passer d’autre aussi tout à sa guise. Plusieurs personnes, des jeunes surtout,
nous ont affirmé que 2/3 des jeunes voire de la population ne sont pas
croyants, que les gens boivent de l’alcool, interdit en Iran, à la maison.
Difficile alors d’imaginer que ce pouvoir puisse tenir ainsi éternellement, un
printemps finira bien par arriver, mais il serait alors très violent nous a dit
cette femme de Téhéran. La loi interdit aux amoureux de vivre ensemble sans
être mariés, sous peine de prison, la loi interdit les fêtes mixtes, la loi
interdit, c’est son leitmotiv liberticide. Le voile est imposé par la loi. Dans
certaines villes comme Téhéran, Shiraz ou Tabriz, on voit beaucoup (la
majorité) de femmes dans la rue arborer un voile à peine posé sur la tête dont
une mèche de cheveux dépasse en avant et souvent beaucoup plus, cheveux teints,
soignés et mis en scène. Celles ci ne sont pas croyantes mais respectent la
loi, le rouge à lèvre, le maquillage les chaussures à talon mis en avant ne
sont pas non plus interdits. A côté les croyantes, les soumises (mais ont elles
vraiment le choix ?) portent, en plus du voile (Hijab), un chador,
généralement noir, qui les recouvre entièrement ne laissant que le visage plus
ou moins découvert. Elles sont impressionnantes et effrayantes en noir, telles
qu’on les montre toujours à la télévision lorsqu’on parle de l’Iran chez nous,
en occultant bien souvent la majorité silencieuse mais visible de la
population. Quelle est cette religion qui impose aux femmes de se couvrir, les
hommes l’imposent, le coran le dit, couvrez vos femmes, le machisme le
prolonge. Une dictature est abominable, une religion qui impose l’est aussi,
l’association des deux est diabolique.
Une
seule fois les chadors noirs nous sont apparus comme loufoques. Nous descendions
dans le métro de Téhéran et le courant d’air venant d’en bas s’est engouffré
sous le voile noir de 2 femmes qui descendaient l’escalier devant nous. Elles
se sont retrouvées transformées en deux barbapapas à mesure qu’elles
gonflaient.
Le
président, quasiment le seul dont on entend parler en France, a cependant un
pouvoir proche de zéro. Si Ahmadinejan était une marionnette, il avait
cependant le pouvoir d’ajouter de la toxicité à la rigueur imposée.
Interdiction d’écouter de la musique dans les lieux publics par exemple. Il
s’est mis à dos aussi toute la communauté internationale avec le nucléaire et
l’embargo imposé en retour par les Etats Unis rend la situation économique
catastrophique dont pâtissent les iraniens. Le taux du rial s’est effondré (1
euro en vaut aujourd’hui 45000 contre 12000 il y a moins de 2 ans), les
salaires ont aussi beaucoup baissé (le salaire de ce jeune rencontré à Yazd est
passé de 500 dollars à 200 dollars l’année dernière, il est donc parti
travailler en Irak pour conserver les mêmes revenus). Il est monnaie courante
ici pour un iranien d’exercer en même temps deux ou trois activités pour tenter
de joindre les deux bouts. Alors il est clair que tout le monde en a marre de
ce président traité de fou par beaucoup. Sans illusions (depuis longtemps)
beaucoup de personnes avec qui nous parlions disaient ne pas vouloir voter.
Beaucoup sont cependant obligées, beaucoup votent blanc. Ceux qui votent
voulaient absolument virer Ahmanindjane pour de toute façon un moins pire. Un
réformateur a gagné l’élection et c’est tant mieux. Cependant, son pouvoir reste
marginal et cet homme, Rohani, est religieux ce qui ne laisse pas vraiment
augurer d’un changement conséquent en termes de laïcité.
L’embargo imposé est aussi criminel car
ajoute au joug la misère toujours croissante plaquée sur le peuple iranien. Car
il ne faut pas se tromper, si l’Iran est dirigée par des salopards, sa
substance en est bien son histoire, ses terres et ses habitants magnifiques. Il
n’est pas juste de réduire l’image de l’Iran à ses dirigeants. Avant notre
départ combien de fois avons nous entendu de la bouche de nos proches ou autres
à qui nous racontions notre projet qu’il ne fallait pas aller en Iran ou du
moins faire bien attention car ce pays est dangereux. La tenue de l’élection
présidentielle le 14 juin, pile au moment de notre séjour, ajoutait encore du
danger au danger. Je comprends ces réactions, ayant aussi en tête ces préjugés
que l’on nous sert constamment dès qu’il s’agit d’Iran. Tout cela est
politique, souvenons nous que l’Iran est l’ennemi numéro un des états-uniens et
ceci est relayé partout en occident. Il n’est pas question ici de dire que
cette dictature est merveilleuse, je viens de donner des preuves du contraire.
Mais il s’agit ici de montrer que chaque discours de mise en garde vis-à-vis de
l’Iran et d’un séjour là-bas devient politique et participe de l’image
monstrueuse que l’on a des iraniens. Et pourtant, les iraniens, substance du
pays, sont un trésor méconnu, ils n’ont rien d’abominables, ils sont l’aubaine
de ce voyage. Ce sont eux qui nous ont progressivement détendu, car nous
gardions une certaine pression intérieure (fallait il rester pour les
élections, nous avons des enfants…), ce sont eux qui nous ont montré dans leur
spontanéité leur envie de partager, de rencontrer, leur immense malheur et
souvent colère de n’avoir pas de liberté. A l’ambassade de France, où nous
sommes venus nous signaler (car l’Iran est un dangereux pays) le discours a été
politique et dépourvu de tact jusqu’à un point incroyable. « mais que
faites vous là, comment se fait il que vous soyez ici alors que le ministère
des affaires étrangères le déconseille fortement, il va falloir repartir
maintenant… ». J’en veux à cette femme car elle a juste ajouté encore un
peu plus de pression sur nos épaules, dans un jeu politique que nous ne
demandions pas. Nous avons bien compris que l’Iran n’est pas une démocratie
mais nous avons compris aussi qu’en respectant certaine règles nous traversions
un pays les moins dangereux qu’il soit car les iraniens sont bienveillants, car
les iraniens sont pleins de sollicitude, car les iraniens feraient tout pour
nous à toute heure et en tout lieu.
Vote pour les présidentielles, 14 juin, Yazd. |
Les 6 candidats à la présidentielle |
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